Prisonnière des ronces

Prisonnière des ronces

Rosie se trouvait au milieu de nulle part et pourtant, les environs étaient obscurcis par une masse de végétation d'un vert agressif qui ne lui disait rien qui vaille. Elle, au milieu de tout ça, ressemblait à une fleur trop fragile pour le jardin dans lequel elle se trouvait. Et quel jardin ! Plein d'épines et dont le sol se dérobait sous les sabots des imprudents qui s'y aventuraient. Cela lui changeait des Terres Orphelines et elle n'osait plus avancer, prisonnière des ronces. Sa robe grise était striée d'hémoglobine et son coeur battait à la chamade tandis qu'elle fixait le trou béant devant elle. Une vallée, hein ? Elle n'osait pas s'y aventurer.

Réservé:

Cerceï ressemblait à un poulain qui apprenait à marcher, à lever bien haut les jambes et à faire un boucan monstre. Au moins, si serpents il y avait, ils seraient partis depuis bien longtemps. Sa peau était écorchée de toutes part et il y avait même quelques épines plantées dans sa fine peau. Le sang gouttait au sol mais elle ne s'en souciait guère, bien trop occupée à essayer de ne pas tomber en s’emmêlant les jambes. Mais vint l'ultime scène où elle se crasha sur les ronces. Elle poussa un gémissement de douleur, satanées ronces ! Elles venaient de se planter dans sa peau et ça faisait un mal de chien.

Elle vit une jument bicolore arriver de loin, il fallait dire qu'il était difficile de la manquer. L'inconnue marchait lentement, levait bien haut les jambes et ne tint pourtant pas sur celles-ci bien longtemps. Soudain, elle avait disparu dans la végétation et Rosie se félicita de ne pas avoir bougé, les yeux rivés sur l'endroit où elle avait vu l'équidé pour la dernière fois.

“ Vous voyez, c'est pour ça que je n'ose plus bouger. ”

- Vous avez eu bien raison de ne point bouger ! lui dit-elle en grommelant légèrement, vexée de s'être faite avoir de la sorte.

D'un mouvement agile et qui lui arracha des insultes, elle se releva et s'ébroua légèrement, observa ses flancs ensanglantés, puis elle continua son périple jusqu'à arriver devant l'inconnue.

- Je m'appelle Cerceï ! Et tu es ? demanda-t-elle avec un petit sourire, se permettant de la tutoyer assez rapidement, sans aucune gêne.

L'autre était toujours vivante, si elle se fiait aux grommèlements qui lui parvenaient. Les vulgarités qui suivirent la firent plaquer ses oreilles en arrière -deux tâches grises dans une crinière de feu-. L'inconnue était dans un sale état, constata-t-elle finalement en l'observant approcher et ne faisait pas bonne impression pour leur première rencontre.

“ Rose Madder. Vous allez vous en sortir ? ”

Elle fit un signe de tête en direction des égratignures de la pie. Rosie n'avait pas bougé d'un poil et réfléchissait toujours à un moyen de revenir sur ses pas sans finir dans le même état que Cerceï.

- Oh oui, ça devrait aller, ne t'inquiète pas. Et tutoies-moi, je n'aime pas vraiment le vouvoiement, lui dit-elle en hochant la tête quelques secondes.

Cerceï soupira et observa ses plaies sur son dos tacheté avant de laisser son regard revenir sur Rose Mader. Elle secoua sa crinière où une petite ronce lui piquait l'encolure sans cesse. Elle poussa un léger grognement et elle abandonna. Sa crinière était maintenant toute sale et tout emmêlée.

Rosie grimaça, le visage soudain bien laid tandis qu'elle plaquait ses oreilles en arrière et dévoilait ses dents. Puis, tout son corps se détendit et elle qui était droite comme un i quelques instants auparavant mit un postérieur au repos en offrant un sourire aimable à l'inconnue.

“ Je suis désolée, ça me met mal à l'aise de tutoyer les gens plus âgés que je n'ai pas l'habitude de fréquenter. Question de respect, vous comprenez ? ”

Elle sourit et ne fit aucun geste pour aider la jument pleine de broussailles.

“ Vous permettez ? demanda-t-elle plutôt en désignant les ronces prises dans sa crinière d'un mouvement de tête. ”

- Je comprends tout à fait. J'espère que ça ne te dérange pas, que moi, je te tutoie.. lui dit-elle, réfléchissant quelques secondes. Je peux sinon te vouvoyer, c'est comme tu préfères, je m'adapte.

La jument pie, ne sut plus trop quoi dire en voyant la mine consternée de la jeunette. Ses oreilles s'agitèrent légèrement, démontrant sa gêne croissante. Puis finalement, elle se proposa à lui enlever les ronces coincées dans sa crinière soyeuse.

- Oui, je veux bien, si ça ne te dérange pas, lui dit-elle en hochant la tête tranquillement, priant pour que ça ne lui fasse pas trop mal et que ça ne lui arrache pas toute sa belle toison.

L'inconnue sembla saisir son désir sous-entendu et Rosie lui sourit légèrement. Cerceï n'en menait pas large et cela se voyait. Elle ne savait pas d'où elle venait ni quel passé elle traînait derrière cependant et ne lui posa pas de question, se doutant que cela ne la regardait pas.

“ Je préfère, sauf si c'est trop déroutant pour vous. ”

La pie accepta son aide sans une seconde d'hésitation aussi Rose Madder étira-t-elle l'encolure pour attraper délicatement la végétation emmêlée dans ses crins et tirer avec prudence, par petits à-coups, pour dégager les épines de la crinière noire de Cerceï. Les ronces finirent à se détacher et la pouliche les cracha sans un regret avant de changer de position, mal à l'aise.

“ Je ne vais pas vous mentir, je suis coincée et j'aimerais vraiment, vraiment revenir sur mes pas... mais je n'ose pas. ”

Elle baissa la tête, gênée et fatiguée.

- Non, il n'y a aucun problème, lui dit-elle en hochant vigoureusement la tête. Elle s'adaptait à toutes les situations après tout !

Elle laissa Rose Madder lui enlever ces maudites ronces de sa crinière bicolore, patiente, grimaçant parfois quand ça lui faisait vraiment mal. Ses oreilles s'agitèrent pour la remercier tandis qu'elle enlevait les dernières. Elle secoua sa crinière de nouveau libre avec plaisir. Puis finalement, elle écouta les paroles de la pouliche.

- Si je vous tenais et que vous reculiez, je ne pense pas que vous pourriez tomber si je vous tenais, lui dit-elle en réfléchissant. Ou si vous pouviez vous tourner, vous verriez mieux où vous marcheriez ? proposa-t-elle en haussant un sourcil, très concentrée.

Rosie soupira et écouta les suggestions de Cerceï d'une oreille. Il était temps de bouger, voilà ce qu'elle en avait retenu aussi mit elle à profit le dernier conseil de la pie. La pouliche se retourna prestement, les sabots légers et les jambes agiles malgré son ventre étrangement arrondi et sa croupe gonflée comme un ballon sur le point de s'envoler. Sa poussée de croissance l'avait laissée disproportionnée et sa robe ne faisait bien pour masquer ce fait. Elle enviait Cerceï, dont le corps presque adulte avait délaissé ce genre d'incongruités.

“ Je vous laisse ouvrir la voie, vous avez l'air plus téméraire que moi. ”

La végétation n'intimidait pas tant Rose Madder qu'elle la faisait saigner et elle avança avec prudence dans les pas de son interlocutrice.

“ Où alliez vous comme ça ? Ce n'est pas le territoire le plus accueillant de l'île... ”

Le pie isabelle la regarda faire un sourire satisfait aux lèvres, comme quand elle aidait quelqu'un avec succès. Puis à la demande de la pouliche, elle prit les devants et elle se mit à marcher avec la même allure, levant bien haut les jambes pour éviter d'être trop bloquée. Elle écouta la question de Rose Madder et elle laissa échapper un petit rire.

- Et bien, en fait, je me suis un peu perdue, je suis nouvelle et je ne savais pas trop où je mettais les pieds ! lui dit-elle avec un sourire mutin.

Son interlocutrice reprit son allure cocasse devant elle et Rosie trottina à sa suite, ravie de voir le chemin se dégager sans qu'elle n'ait à faire autant d'efforts que la pie. Cerceï semblait facile à vivre. Le regard de la pouliche dériva sur les ronces qui l'environnaient et elle profita du silence pour contempler les roses qui y fleurissaient à chaque fois qu'elle perdait une goutte de sang. La végétation les buvait goulument et l'esprit de Rose Madder faisait fleurir des roses aux épines acérées qui se fondaient dans la Vallée comme si elles y avaient toujours poussé.

Plongée dans ses pensées, elle manqua de percuter la jument devant elle qui avançait, naturellement, moins vite car le passage n'était pas dégagé.

“ Nous sommes encore sur les Terres Trompeuses, si je ne me trompe pas. ”

Elle regardait brièvement autour d'elles, cherchant à se repérer.

“ Pour ma part, je souhaite aller à l'est. ”

Cerceï avançait avec toujours la même allure bien marrante dont tout le monde pouvait se moquer, sauf que la jeunette ne le faisait pas. Elle écouta ses paroles, les terres Trompeuses ? Il y avait donc des troupeaux, ce qui confirmait les dires d'Hoykä, mais ce n'était pas bien grave, donc elle s'en fichait vraiment en fin de compte. Elle fouetta légèrement l'air de sa queue et sans faire exprès, elle lui toucha la tête.

- Excusez-moi, je suis désolée, lui dit-elle avec un sourire amical. Vers l'est ? Pour quoi faire ? demanda-t-elle ensuite.

Rosie releva brutalement la tête, les yeux écarquillés dont on voyait par intermittence le blanc tandis que tout son corps se crispait. Cerceï s'excusa immédiatement et elle hocha lentement la tête en gardant un pas de plus entre elles.

“ Ce n'est rien. Je vais retrouver ma famille, même si mes parents sont peut-être un peu plus au nord, je verrais bien. ”

Elle soupira, lassée et combla finalement la distance pour dépasser Cerceï et bondir en avant sans plus se soucier des ronces. En quelques foulées agiles elle avait gambadé plus loin et disparu dans la végétation pour se diriger vers l'est, ne laissant derrière elle que l'écho de ses salutations.

“ Passez une bonne journée ! ”

Hors RP:

Cerceï écouta ses paroles et quand elle la vit bondir pour s'éloigner, elle n'ajouta rien de plus et au bout d'un moment, elle se dirigea vers l'archipel des boucaniers.

Out :3