souvenirs lointains

En voilà un autre, tout à fait dans son élément !

Hélium bondissait partout comme un cinglé, s’enfouissant sous la neige, glissant sur la glace. Il lançait quelques boules de neige, traçait des courbes étranges sur l’eau gelée. Le poney était aux anges. Il avait passé trop de temps loin du froid et des montagnes. Il remédiait désormais à la chose.

Le poney avait passé son temps sur Horse-Wild concentré sur les Orphelines. Il n’avait réchappé à la mort que grâce au secours de son bon dieu Hadès et lui en serait éternellement reconnaissant. Seulement voilà, passer si près de la mort avait rappelé à Hélium tout ce qu’il aimait dans la vie : les fesses dodues, le froid, la neige et les montagnes. Rien qu’il n’eut trouvé sur les terres de son dieu.

Le mini-shetland d’un demi-mètre se fraya un chemin dans la neige et bondit sur la banquise. Ses sabots effectuèrent un magnifique dérapage plus ou moins contrôlé et il s’élança dans une nouvelle direction. Il s’amusait comme un fou, en faisant beaucoup de bruit.

Soudain, il partit en glissade incontrôlée – ça devait bien arriver – et remarqua que, comme par hasard, il n’était plus le seul à s’amuser dans le coin. Bien entendu, il filait droit dans sa direction. Hélium battit des jambes pour accélérer (vous pensiez pas qu’il allait ralentir quand même ?) et reprit un contrôle partiel de sa trajectoire. Évidemment, il continua de foncer sur l’inconnue.

Froid devant ! (Un peu d’humour pourri, ça fait jamais de mal.)

Le poney hurla de toute la puissance de ses poumons et de sa grosse voix. Au dernier moment, il se ratatina comme il put sur la glace et passa comme une flèche sous les jambes de la jument rousse. Il ralentit sa course, s’arrêta tout à fait et bondit sur ses jambes, prêt à repartir dans l’autre sens. Passer en glissade sous un pont pas forcément consentant, c’était tout à fait relaxant.

Hé, la rouquine ! Faut pas rester au milieu comme ça !

Il ne fallait pas, mais c’était drôlement amusant. Hélium s’élança à nouveau sur la banquise.

Loin de ses attentes, la jument ne s’offusqua pas du comportement d’Hélium. Elle semblait plutôt encline à son humour et sa joie de vivre. Un tel constat ne put que gonfler encore un peu son envie de l’embêter et de continuer à glisser ! Même si, il l’avouait sans honte, les géants qui s’énervaient contre lui avaient un attrait tout particulier qu’il ne retrouvait pas chez les autres. Ce genre de petit frisson de danger qui le gonflait à bloc !

Hélium s’élança à nouveau et évita de justesse la rouquine qui se déplaçait sur la glace. Il grommela dans sa barbe et s’arrêta le nez dans la poudreuse, un peu plus loin. Il bondit sur ses petits pieds et fit volte-face pour regarder la demoiselle. Son conseil vola jusqu’à lui de ce vol hasardeux et hypnotique des papillons de nuit et s’écrasa sur son front sans réussir à pénétrer son cerveau. De tels mots, le mini-shetland s’en passait volontiers ! Il ne serait pas ici, si ça ne glissait pas.

Allons, allons ! T’as peur de tomber ? cria-t-il, en piaffant d’excitation. C’est justement à ça que ça sert la banquise : à glisser !

Fier de lui, Hélium s’élança encore une fois sur la glace. Il battit plusieurs fois des jambes pour accélérer et visa minutieusement les sabots de l’inconnue. Il ne comptait plus passer dessous la dame, mais bien la percuter de plein fouet ! C’était qu’il avait un sens particulièrement déformé de la notion de danger…

La vipère est un roc aux racines bien ancrées dans la classe. Hélium la percuta de plein fouet, mais la jument ne bougea pas d'un centimètre. Il renâcla, fort dégoûté d'avoir raté son coup et s'écarta de quelques pas glissants. Il ne pouvait pas risquer un sabot sur cette étendue gelée et elle, elle ne bougeait pas d'un pouce. Il n'arrivait pas à le croire.

Dis-moi, la rouquine. A quoi ça sert de venir ici si t'es pas là pour glisser ?

Il boudait un peu et, surtout, n'appréciait pas qu'on le stop dans ses jeux. Il était là pour s'amuser ! Pas pour papoter avec une géante qui riait bien de le voir essayer de la faire tomber. D'ailleurs, ces derniers temps, il ne se sentait pas de très bonne humeur et n'était pas enclin à rappeler au monde quel génie il était. Peut-être était-ce son jour de chance à la rousse... Si elle le soulait, il partirait sans demander son reste. Beaucoup d'autres de ses victimes auraient peut-être aimé un traitement pareil !
Mais bon, elle avait au moins le mérite de s'inquiéter pour son incroyable personne.

Pas d'inquiétude, belle rousse ! Haha ! Cortex est solide !

Hélium darda ses yeux sombres sur la rouquine et prit une mine sérieux. Réfléchir ? Voilà qui n'était pas vraiment au goût du poney, dernièrement. Il avait besoin de se vider la tête, pas de se la remplir de questions auxquelles il n'avait pas de réponses ! Ses réflexions, ces derniers temps, ne faisaient que lui miner le moral. Non, non, non ! Il devait s'empêcher de penser !

Cesse donc de réfléchir et viens t'amuser ! T'auras tout le temps de penser quand la vieillesse t'empêchera de glisser sur cette belle glace !

Le mini-shetland s'apprêtait à se relancer à l'assaut de la Banquise, mais la dame lui demanda son nom et il se figea net. Sérieusement ? Son nom ? Il renâcla fortement et secoua la tête, faussement désapprobateur.

Allons, ma jolie ! Regarde où te mènent tes réflexions ! Je viens de te le dire : c'est Cortex. COR-TEX ! Mais peu importe ! Viens glisser !!

Hélium aurait pu s'énerver de voir que la jument s'amusait presque plus que lui, mais ce n'était pas le cas. Aujourd'hui, il préférait rire de sa grosse voix et glisser derrière elle. Il s'amusait comme un petit fou et fonçait sur la rouquine en l'évitant au dernier moment. Pour l'instant, il ne leur arriva aucun incident, bien heureusement. Hélium n'était pas d'humeur à voir cette journée se faner pour quelque chose de désagréable.

Alors, douce Maha ! C'est quand même mieux que réfléchir, non ? Trop se creuser la tête, c'est pas la meilleure chose au monde, crois-moi. Foi de Cortex !

Hélium poursuivait la rouquine sans relâche. Il dérapait comme un professionnel de la glace et adorait cela. Le froid de la Banquise, lui, permettait de rafraîchir sa grosse fourrure qui risquait de lui donner du malheur cette été. Il ne préféra pas penser à cela et continua de s'amuser jusqu'à ce que Maha tombe sur les fesses. Partant d'un rire fort et joyeux, Cortex rejoignit la jument rousse et s'assit, lui aussi, en face d'elle. C'était l'une de ses positions préférées et il ne trouvait guère de géants capables de l'aimer autant que lui. Maha était peut-être l'exception qui confirmait la règle.

Mais c'est tout à fait normal ! s'écria-t-il en tapant de son petit sabot sur la glace. Si on passait son temps à se faire des nœuds à la tête, le monde serait bien laid... Il faut savoir mettre ses ennuis de côté et rigoler un peu coup ! Ca décoince et ça fait du bien par là où ça passe, pas vrai ?

Alors que le poney avait réussi à changer les idées de la rousse et, pour une fois, sans passer son temps à l'insulter ou l'humilier, il songeait sérieusement à faire payer ses conseils incroyables. Après tout, la géante disait elle-même qu'il avait une "technique". Les techniciens méritaient salaire. Devait-il se reconvertir en coach de vie ? Voilà une idée qui faisait son petit bonhomme de chemin. Il serait Pascal le Mini de Corps mais Grand d'Esprit. Le PMCGE d'HW. Toutes ces initiales lui donnèrent le tournis.

La grosse rousse profita de cet instant de faiblesse pour l'attaquer. Horreur ! Le mini-shteland s'insurgea, la bouche ouverte sur l'indignation, une grimace de dégoût au visage. Allons bon ! On ne touchait pas Cortex quand on le voulait !! Il fulminait tout seul dans son coin, blessé dans son ego surdimensionné. Les mauvaises habitudes de Minus commençaient sérieusement à dépeindre sur toute l'île... Il était peut-être temps qu'il prenne congé de cet endroit de malheur...

Cortex ouvrit la bouche plusieurs fois pour répliquer, mais préféra retenir les insultes au fond de sa gorge. Fait rare à noter sur le calendrier. Il jugea que la moindre attaque verbale pourrait retenir la renarde avec lui et il ne voulait pas de ça ! Qu'elle s'en aille ! Au moins, elle ne le toucherait plus. Bougon, le mini-shetland tourna les talons et s'enfuit en enchaînant les glissades plus ou moins contrôlées sur la banquise.