Clé des champs - No Thirteen

Sortie miraculeusement de son petit coin de paradis personnel la noire a fait vite à rejoindre les terres qui quand bien même ne veulent pas d'elle et il faut le croire, prennent un certain soin à la malmener. Entre les planches et Aléas, elle allait finir par développer une certaine paranoïa. C'est donc un autre chemin que celui de la montagne qui s'ouvrait devant elle. Elle et elle seule. Pas de vautour en vue. Supposant que celui-ci était resté dans la montagne et qu'il n'avait jamais mis les pattes dans son enfer. Peut-être qu'il avait rejoint son fils, peut-être bien qu'elle ferait bien de faire de même. Il faudrait espérer qu'il ne s’inquiète pas. Sauf que malgré tout le plaisir qu'il y avait à voir Blake, elle voulait, actuellement, juste trouver un endroit sinistre et dormir. Le genre d'endroit où elle comptait bien être seule. Et comme elle n'avait aucune idée du laps de temps passé sur le sable de ses souvenirs, elle y retournerait sûrement pour rien. Elle avait toute confiance en lui et excuserait une fois de plus la disparition de sa mère. Du moins elle l'espère.

La nuit venait de passer et elle n'avait fait que marcher pour rejoindre son lieu de villégiature. L'esprit ailleurs, ne préférant pas trop réfléchir pour l'instant. Elle venait de passer des heures innombrables à voir sa mère mourir et l'image s'incrustait plus que jamais. Trop fraîche pour quelque chose de si vieux. Ce superposant bien malgré elle au sourire d'une jument crème. Elle crispa la mâchoire, après une bonne semaine de sommeil, ça serait de l'histoire ancienne.

Son antérieur claqua sur du béton et  la noire revenue à la réalité, sursautant, elle s'endormait en marchant. Elle soupira et se dirigea tel un zombi vers l'angle extérieur formé par la jonction de deux bâtiments, on ne la surprendrait pas par derrière. Elle s'allongea et s’endormit peut-être même avant d'avoir touché le sol.

Elle rouvrit l’œil en entendant un grattement sur le bitume. Le soleil était bien haut, l'après-midi devait être bien entamée. De son œil ouvert elle aperçut le vautour et bougonna.

- Dégage Dagda, laisse-moi dormir..

Sur quoi elle se rendormit dans la seconde.

Elle rouvrit un œil en entendant rire, qu'il parle en enfer, pourquoi pas, mais qui se mette à rire dans la vie de tous les jours. Ça le faisait moyen au quotidien. Et puis ça ne fait pas très oiseau comme rire. Le brouillard se dissipant elle aperçue des sabots, une couleur bien pâle. Bien crémeuse, elle s’apprêtait à foudroyer la crémeuse personne, toujours très aimable au réveil, surtout qu'elle s'attendait presque à ce que ce soit une certaine mégère, lorsqu'une voix masculine et connue s'éleva. C'était pas passé loin. Elle se laissa le temps de sortir de sa brume. Un peu dans le vague, clignant des yeux avant de les poser sur l'étalon. Un café s'il vous plaît ! Elle se releva, pour peu, elle aurait baillé. Secoua sa crinière histoire de faire un peu d'ordre la-dedans.

- Salut. Cordes vocales pas encore très éveillés.

Il avait dit quelque chose, hum. Ha oui.

- Il s'est nommé tout seul à vrai dire, fit elle enfin en jetant un œil suspicieux au poulet. Lui. Petit sourire malicieux.

Bon, dit comme ça elle allait passer pour folle, assurément. Elle jeta quand même un regard à l'étalon, le mettant au défi de la contredire.

Elle ne mentait pas, à vrai dire, elle ne mentait jamais. Il pouvait à la rigueur lui arriver d'arranger la vérité, mais jamais de mentir sciemment. Trop honnête pour pas fourrer les pieds dans de sales draps. En parlant de sales draps, son cerveau en éveille semblait essayer de lui dire quelque chose. La visite dans le désert n'était pas un sale rêve, mais sûrement plus une sale réalité. Combien de temps y serait-elle resté si elle n'avait pas flanché. Concédé à la file de la pie. La pensée lui fit mal, découverte que de savoir qu'une cogitation pouvait être douloureuse. Son amour-propre sûrement. Elle tenta d'éclaircir un peu le truc, elle ne mettrait sûrement pas les sabots sur les Orphelines, ou occasionnellement. Peut-être pour dire à son frère ce qu'elle pense de sa mégère. Fifa était d'accord avec ça, de toute façon, d'accord ou pas, la noire aurait bien voulu voir comment elle l'aurait cloîtré sur le territoire. Ce qui la fit sourire. Elle n'arrivait pas à voir d'inconvénients, elle était toujours aussi libre et la seule chose étant qu'elle avait été dans une position de dépendance très désagréable. La crème ne serait jamais sa supérieur. Ni son égal.

- « Mieux que dieu
Pire que le diable
Les pauvres en ont
Les riches en ont besoin
Si on en mange, on meurt
Qui suis-je ? »

Tout avait commencé avec cette maudite partie de poker.

     

La noire observe un sourire se dessiner sur le crème. Treize. Un peu moins ou plutôt un peu plus réveillé elle lui aurait demandé où étaient passés les douze autres. Humour en carton. N'empêche qu'elle souri elle aussi. Il lui semble néanmoins qu'il lui demande de se répéter. Elle pensait qu'il avait entendu le nom du piaf en arrivant , enfin avant que l'un ou l'autre de ces deux-là ne mettent un point final à son sommeil. Et puis, ils étaient arrivés ensemble ?

La noire n'aimait pas vraiment abuser d'un nom. Optant la plupart du temps pour des petits surnoms. Elle faillit donc se faire ironique en lui demandant s'il était sourd. Elle jeta un regard au vautour, et vu qu'il ne daignait pas se présenter.  

- Nan.

Elle nota tout de même qu'il s'était nommé seul, peut-être qu'elle approfondirait avec lui le sujet un jour. En attendant ce jour elle lança son encolure vers Treize, puis vers Dagda et vis et versa.

- Treize, voici Dagda. Dagda, Treize.

Pour ce qui est d'avoir croisé Aléas, c'était plus compliqué que ça, mais est-ce qu'elle tenait vraiment à s’apitoyer. Non et puis elle s'en était plutôt bien sortie au final. Elle soupira, il avait eu la réponse en rien de temps. Elle n'était pourtant pas bête, du moins ne pense pas l'être. Sale partie de poker. Elle pourrait toujours tenter de démêler deux, trois fils. Elle s'avança un peu, se dégourdissant, longeant le bâtiment avant de s'arrêter.

- J'ai répondu l'âme. Avoua t-elle en le regardant. Sur quoi elle laissa un blanc. J'ai été sortie d'un endroit merveilleux, succulent, sublissime … par la fille de celle qui a tué ma mère ( elle prit une mine pensante ) et je ne sais pas comment je dois prendre la chose à vrai dire.

En soit, le dire à voix haute éclaircissait déjà un peu la chose dans son esprit et peut-être qu'il trouverait un truc à rajouter. Ou rien.    


     

Comment elle avait fait, elle aimerait bien savoir ça tiens. Histoire de ne pas être dans la panade une autre fois. Enfin, simplement, le fait d'être dominante devait suffire. Le contact avec les dieux, tout ça, tout ça. Elle aurait pu, peut-être bien y arriver si elle n'avait pas pensé son père mort à une époque. Enfin cet enchaînement de choses, jusqu'à ce foutu séjour en enfer. Braf.

- Elle est dominante, les relations avec les dieux, ça aide …

Pour ce qui est de la ressemblance, la noire doute que cela soit pareil pour tout le monde. Enfin si une personne quelconque se retrouvait face à la mort de sa mère, cela risquait d'avoir que peu d'effet, si ce n'est le traumatisme de voir quelqu'un mourir, et encore. Non, cela devait être propre à chacun. Et d'ailleurs, peut-être bien que si elle devait y retourner un jour, ça serait encore différent. Elle n'y retournerait pas de toute façon. Elle casserait les dents à Aléas, brûlerait le jeu de carte, retournerait la table dans un fracassement et sortirait du salon en faisant claquer les battantes après avoir cassé la bouteille de whisky sur la tête de la bonniche.

- Cela doit être différent pour chacun. Pour moi c'était sableux, roux et sanglant. Redondant.

Pour ce qui est de faire la paix, cette paix semblait douteuse de son point de vue, mais l'autre jument devait voir ça autrement, sans aucun doute. La noire arracha un brin d'herbe qui menait résistance dans une fissure à travers le béton. Tant pis pour lui. Puis reposa son regard sur le crème, le regardant franchement, après tout, il n'avait pas toutes les cartes en main.

- J'aurais, à sa place, du mal à faire la paix avec quelqu'un qui a tué ma mère. Elle appuya son regard, cherchant sa réaction. Après quoi elle ajouta tout de même ; Son argumentation contenait l'entente de nos enfants respectifs. Elle leva les yeux au ciel, qui soit dit en passant sont cousins /cousine.

Ou comment lâcher des infos par-ci par là. Cette famille est compliquée ! Et puis maintenant qu'elle avait rencontré cette fameuse Fifa, elle pouvait bien le dire si bon lui semblait, ce qu'elle ne serait pas empêchée avant non plus d'ailleurs.


     

L'identité des dominants, elle acquiesça, elle aurait pu en faire partie. Elle réfléchit quelques secondes.

- Je t'ai déjà parlé de mon frère je crois, Kuro. Un grand poilu blanc. Il domine les Orphelines avec cette jument, Fifa. Les Terres Trompeuses sont dominées par Cyrius. Un roux. Elle haussa un œil douteux en pensant à la couleur du dominant. Peut-être cette Nazz'toria aussi … Elle ne put empêcher d'ajouter ; m'enfin, il va devoir redoubler sa surveillance si elle s'en préoccupe comme de sa fille. Les terres Secrètes sont en libre service et personne ne viendra nous mettre dehors.

Pour son plus grand bonheur, vu qu'elle y créchait les trois quarts du temps, même si elle allait éviter la montagne une semaine ou deux. Mais y retournerait bien vite. Tenant à tout prix à trouver cette parcelle pleine de mystère.

- Rejoindre le troupeau et apparemment, si je dois en croire cette damoiselle, abandonner une part de responsabilité. Petit blanc sur lequel elle secoue la tête en négation. La blague.

Bref, elle allait avoir tout le temps d'étudier le truc. Il faudrait juste qu'elle prenne le temps de se poser pour y penser sérieusement. Mais pour l'instant si on omet l'instant de faiblesse livrée à une inconnue, fille de tueuse, envoûteuse de frère, légèrement tyrannique et autoritaire. Elle voyait plutôt mal comment celle-ci pourrait lui mettre la main dessus pour lui faire part des conséquences de ses actes et l'attendrait de pied ferme pour assister à ça. Non, rejoindre les Orphelins sous la dominance de son père … hum, celui-ci apprécierait peut-être pas de la voir si proche de son fils aux intentions parricide … Elle chassa ça pour un repenser plus tard.

Il avait fait le lien et elle l'en féliciter. Elle approuva d'un simple sourire satisfait. Les loups avaient ce jour-là passer une bien meilleur journée que celle qui précède celle-ci. Même si elle pouvait se réjouir d'avoir un de ses fils si proche d'elle. Aussi intrépide soit-il.    

Elle rechigna un peu à consentir que la logique de la dominante se tenait, mais fini par lâcher un peu de mou.

- Mouais.

La arracha la dernière feuille de la touffe d'herbe avant de l’interroger.

- Tu comptes rejoindre un troupeau ?

     

- Oui et non. Mon premier fils, Blake, a rejoint l'île il y a peu, on taira comment. C'est Aléas qui nous a séparé. Foutue bonniche dépendante. Kight est encore sur sa terre natale.

Et elle ne savait pas si elle devait être impatiente qu'il vienne, pour enfin le voir en plein forme et ainsi ne plus attendre avec la peur qu'il ne parvienne jamais jusque là. Ou bien faire preuve de patience. Au final elle n'a pas le choix, sauf si elle compte tenter un retour sur la petite île. Ce qui, ne serait franchement pas une bonne idée, qui plus est, elle doutait d'y arriver. Non, elle resterait sur sa terre.

Les hommes, Hyuna' ne les aime pas. Ils sont trop dans le contrôle pour elle et elle sûre de n'avoir vu qu'une infinité de leurs possibilités. Et à en voir rien que la bâtisse qui les surplombe, ils sont vraiment capable de faire de « grandes » choses. Bien qu'ils ne semblaient pas tous agir de la même façon à en croire Treize, car elle voyait là des différences dans leur art de régir les choses. Elle opina tout de même ses dires.

- Le peu d’expérience que j'ai eu avec les bipèdes m'a plutôt bien fait regretter la vie sauvage, tu vas vite y prendre goût, j'en doute pas. Je dois dire que j'ai appris la vie de troupeau là-bas néanmoins. Exclusivement des juments et poulains, je te laisse imaginer l'ampleur des commérages.

Elle leva les yeux au ciel. Cette île était absurde, les hommes sont absurdes et incohérents.

- Je ne sais pas vraiment ce que donne la vie de troupeau ici à vrai dire, je ne l'ai jamais connu … jusqu'à maintenant. Et comme je ne compte pas changer mes habitudes.  

     

Ses semblables. Non, elle ne les appréciait pas, pourquoi, elle ne le savait pas vraiment, le fait d'avoir passé son enfance qu'en présence masculine ? Fort possible, ou peut être bien que les quelques rencontres, les moindres de sa gente avaient fait grandir une aptitude déjà bien penchante à ne pas les aimer, l'île sableuse l'avait fini. Elle n'en savait foutrement rien en réalité et bien des hypothèses pouvaient être établies, mais elle ne porterait jamais les juments dans son cœur. Elle approuve cette pensée d'un soulèvement d'oeil. La dernière jument qu'elle venait de voir n'avait pas arrangé la donne. La noire ne savait pas si elle devait vraiment y penser ou laisser couler. Pour le moment elle se contenta d'approuver l'étalon d'un signe de tête.

- C'est une chose que nous pourrions faire effectivement répondit-elle pensive.

Elle serait bien contente de le voir sous un nouveau jour, dans tous les sens du terme, pour le moment ce jour-là touche à sa fin et s'il y a bien une chose qu'elle allait faire c'est dormir encore. Discuter de la vie avec les humains serait peut-être moins drôle que ça en avait l'air, ou alors c'est juste la fatigue encore accumulée de l'enfer qui lui donnait cette impression.

Elle observa le mâle lui dire au revoir. A la fois soulagé qu'il n'est pas à subir son humeur vacillante d'entre deux sommeils et peinée qu'il s'en aille déjà. Un sourire étira tout de même ses lèvres à la mention de ses fils. Douce attention.

- Moi aussi, souffla la noire avant d'ajouter ; Et porte-toi bien aussi

Elle faillit ajouter son nom mais préféra le garder pour elle sur le bout des lèvres de peur de l'oublier à nouveau. Elle comptait rester là encore un peu avant d'errer dans une direction quelconque ou de dormir ou réfléchir.

OUT