Stronger ; Sefiyade

Elle n'avait clairement pas choisi le bon jour pour s'attaquer à l'ascension de cette montagne. Inaliel explorait encore les terres qui allaient l'accueillir, peut-être pour la vie. Les terres secrètes avaient leur charme et de plutôt beaux garçons. Cette montagne ne lui faisait pas peur. Si tout cela était un test pour son admission dans le troupeau, elle relèverait le défi avec brio !

Sous une pluie battante, trempée jusqu'aux os, l'alezane glissait sur le sol rocailleux qui formait le seul sentier jusqu'au sommet. La pierre était traître à cause de l'eau qui tombait du ciel. Il lui semblait que tous les éléments s'étaient alliés pour lui rendre la tâche la plus difficile possible. Le vent se levait. Ce qu'elle avait vu jusque là n'avait été que les prémices d'une plus grosse tempête. Le printemps était une saison agréable, mais qui pouvait encore vous rappeler que l'hiver n'était pas si loin que cela. Les changements de température provoquaient de rudes orages. Inaliel subissait la rude colère de l'un d'entre eux.
Son sabot ne trouva aucun grippe sur la roche où elle l'avait posé. Elle glissa, et son genou cogna sur le sol. Ina serra les dents, l'eau lui dégoulinant sur le visage. Il était trop tard pour faire demi-tour, l'orage l'avait surprise en pleine montée. Abandonner serait trop lâche et cela ne lui ressemblait pas.
Elle n'avait pas d'autre choix... Non. Elle ne se laissait pas d'autre choix que de continuer, de marcher.

L'aventurière se releva en chancelant, rapprochant son corps de la paroi de la montagne pour s'éloigner du vide meurtrier. Si cette montagne voulait bien d'elle, alors elle serait méritante d'entrer dans le troupeau de Naëlle.
Inaliel était forte. Et pour se redonner du courage et puiser dans ses dernières forces, elle se le dit à elle-même. Je suis forte.

Ina reprit sa marche. Elle était certaine d'atteindre le sommet bientôt. Elle le sentait.
Du moins, elle se persuadait qu'elle l'atteindrait sous peu. Peu importe le temps que cela lui prendrait en réalité. Ce qui comptait, c'était qu'elle y parvienne.

Inaliel ne reculerait pas. Malgré le froid, malgré la pluie, malgré le tonnerre et ce ciel si noir, qui grondait au-dessus de sa tête comme pour la provoquer, comme pour lui insinuer "Tu n'es pas assez forte". Elle savait, au plus profond, qu'elle en était capable. Si elle ne résistait pas à cette tempête, si elle abandonnait son ascension, alors elle pouvait vivre cachée toute sa vie. Si elle fuyait face à cette difficulté, quand serait-il des obstacles qui se dresseront devant elle à l'avenir ?
Non, elle n'avait pas le droit de faire demi-tour, ni même de s'abriter. Elle se devait de gravir cette montagne, peu importe le temps, peu importe l'exigence que cela lui demandait. Elle n'en avait pas le droit. Et plus encore : c'était ce qu'elle désirait le plus à cet instant.

Il fallait le prouver au monde, et même s'il n'y avait personne pour en témoigner, le ciel et les dieux la regardaient. Il fallait le prouver au monde, qu'elle en était capable. Il fallait aussi qu'elle se le prouve à elle-même. Elle en était capable.

Ina avançait péniblement, le vent contre elle fouettant les innombrables gouttes de pluie sur son poitrail et son visage comme des milliers de petites épines glacées. Une voix s'éleva pourtant derrière elle. Elle dut tourner la tête pour en voir l'origine : une jument dorée dont la robe avait pris une teinte chocolat sous la pluie. Elle lui disait : mets toi à l'abri, tu tomberas malade ou tu te blesseras si tu continues. Elle lui disait : abandonne, c'est trop dangereux. Elle lui disait : c'est trop dur.
Inaliel repartit de plus belle en avant.

« Non je ne peux pas ! Je dois atteindre le sommet ! » lui cria t-elle, pleine de détermination et de rage. Un éclair zébra le ciel alors, éclairant leurs visages et son regard fixé vers le haut de la montagne. « Cache toi si tu veux, mais moi je n'abandonnerai pas ! »

Sefiyade avançait tant bien que mal sur les cailloux glissant et coupant. Si elles tombaient, s'en était fini pour elles. Le ciel semblait se déchaîner contre elles, semblait refusait qu'elles continuent leur route. 

- Pourquoi dois-tu forcément aller au sommet ? Ne peux-tu pas y aller après la tempête ? C'est beaucoup trop dangereux !

Le vent les faisait reculer, la pluie faisait trembler la peau de la dorée. Elle grelottait. Le tonnerre fendait le ciel de toute part, les rochers menaçaient de tomber à tout moment. Ce n'était vraiment pas un temps à mettre le sabot dehors.

- Soit raisonnable, il faut s'abriter avec que la foudre nous tombe dessus.

Non, non et non ! Elle ne reculerait pas, n'abandonnerait pas ! Et la foudre pouvait bien lui tomber dessus, ce serait le destin. Les dieux pouvaient bien lui cracher au visage, c'était aujourd'hui qu'elle grimperait au sommet de la montagne sacrée. Aujourd'hui, dans cette tempête. C'était son rite de passage. Celui qui prouverait à tous qu'elle avait sa place dans le troupeau des terres secrètes, qu'elle était assez forte pour Naëlle, pour protéger et combattre. Celui qui prouverait qu'elle n'était pas qu'une petite jument à la gueule d'ange.

« Justement... Ce serait beaucoup trop simple sinon ! » cria t-elle à la palomino pour qu'elle l'entende à travers le vent et la pluie. « Je dois le faire ! »

Elle ne comprendrait sûrement toujours pas. Mais Inaliel était déterminée. Si elle venait à bout de cette montagne en pleine tempête, qu'est-ce qui pourrait l'arrêter ? Ina était une battante et elle voulait se le prouver à elle-même. Elle était capable. Capable de tout.
Elle reprit son ascension. Bientôt, elle le sentait, elle serait au sommet.

Cette jument était folle ! Elle voulait à tout prix gravie cette falaise escarpée sous cet orage. Et juste pour prouver… Prouver quoi ? Elle l'avait peut-être dit, mais, avec ce vent, on entendait rien.

- Bon, très bien, je t'accompagne.

Sefiyade sera les dents, baissa la tête et continua de grimper en faisant très attention à l'endroit où elle posait ses sabots. Elle qui n'aimait pas la pluie, elle était servie. Mais elle était obligé. La doré ne pouvait pas laisser cette inconnue gravir la montagne toute seule, c'était beaucoup trop dangereux !De plus, l'orage ne faiblissait pas, on avait même l'impression qu'il grossissait. A quoi cette expédition allait lui servir ? Y avait-il un truc important en haut ? Ca, la palomino n'en savait rien, mais elle le découvrirait tôt ou tard.

Face à la détermination de l'alezane, l'autre jument capitula et décida de l'accompagner. Quelque part, Inaliel fut rassurée : avoir de la compagnie était toujours agréable et cela lui donnait encore plus de courage pour gravir cette montagne. Sous les yeux de la palomino, elle atteindrait le sommet c'était certain. Elle rendrait fière cette dernière, même si elle ne la connaissait pas, et se rendrait fière elle-même.

Comme pour la remercier de son soutien, Ina décida de lui avouer le pourquoi du comment elle avait décidé de relever ce défi complètement fou. Sous la pluie battante, elle devait parler fort pour se faire entendre.

« Si j'atteins le sommet, alors je serai digne d'intégrer le troupeau des secrets ! » lui lança t-elle pour toute explication. C'était son but, son envie. Son objectif. Intégrer les secrets, le mériter. Obtenir l'approbation de Naëlle, prouver à Aurore Opéra qu'elle n'était pas en sucre et qu'il ne fallait pas s'en faire pour elle. Prouver à tous les secrets qu'elle était digne, une alliée forte sur qui on pouvait compter. Malgré son poids plume et sa gueule d'ange, Inaliel était une battante.

Inaliel avançait péniblement, mais il lui semblait que l'ascension était moins difficile à présent. La présence de la jument palomino y jouait certainement. C'était plus agréable de combattre ensemble à deux, plutôt que seule ! Elle rit quelque peu aux questions de l'inconnue.

« Non, personne me l'a demandée. Je le fais de bon cœur ! » s'exclama t-elle, dans une bourrasque de vent. Elle en goba un moustique, remua son encolure et reprit sa marche, suivie par la jument.
D'ailleurs elle ne connaissait même pas son nom encore.

« Si on doit y rester toutes les deux, je peux au moins savoir comment tu t'appelles ? Moi c'est Inaliel, mais tu peux m'appeler Ina. »

La pluie cessait doucement de s'écrouler sur les deux petites juments. Inaliel tourna la tête vers la crème, alors qu'elle se présentait à son tour. Sefiyade, c'était un très joli nom qui lui allait à ravir. Elles avaient toutes deux des surnoms à deux syllabes, facile à retenir.

La tempête s'arrêta enfin et les rayons percèrent dans le reste de nuage qui les surplombait. L'alezane s'élança en avant, revigorer par cette nouvelle chaleur. Elles arrivèrent à destination, sur un plateau. Le sentier n'avait pas de suite, elles en étaient arrivées à bout. Ina darda ses prunelles sur la paysage en-dessous, la respiration profonde et rapide, le regard brillant d'excitation.
La brume dansait toujours à quelques mètres en bas, épaisse. Elle ne laissait, elle, pas passer la lumière du soleil et Inaliel ne doutait pas que la pluie devait continuer de battre là-dessous. Elles en étaient sorties victorieuses.

Devant elles s'étendaient les terres secrètes.

« La vue est sublime d'ici ! » déclara t-elle, ravie et soulagée d'avoir atteint son but. Ina tourna son visage vers sa compagne de route. « On y est arrivé, Sefi. Maintenant je peux partir à la recherche de Naëlle en toute sérénité. » Maintenant, elle était prête.

Inaliel prit une grande bouffée d'air, remplit ses poumons de fraîcheur et d'un sentiment de profonde sérénité. Elle le chassa ensuite, ouvrant ses yeux sur le monde qui s'offrait à elle, là en bas. L'alezane tourna son visage vers sa congénère palomino.

« Je compte intégrer le troupeau des Secrets. » lui dit-elle alors. « J'espère qu'on aura l'occasion de se recroiser. »

Inaliel lui sourit sincèrement. Cette jument semblait vraiment gentille et elle pressentait bien s'entendre avec elle.

« Tu n'es jamais montée jusqu'ici ? Ça veut dire que tu n'es pas d'Horse Wild ? » La tempête passée, elles pouvaient commencer à bavarder pour en apprendre davantage l'une sur l'autre.

En soi, Inaliel tirait des conclusions peut-être hâtives et tirées par les cheveux. Parfois, sa réflexion allait loin. Heureusement pour elle, Sefiyade acquiesça à sa question : elle n'était pas d'Horse Wild.
Elle aurait très bien pu l'être, sans pour autant être jamais montée sur la montagne sacrée. C'était plausible, malgré le fait que cet endroit semblait être un incontournable sur l'île.

« Oh, ah bon ? De quel troupeau es-tu alors ? » lui demanda t-elle, curieuse.

Elle pourrait sûrement lui rendre visite de temps en temps, sur les terres de son troupeau. La doré lui était agréable. Ina ne refuserait pas de passer plus de temps en sa compagnie.

« Eh bien, si jamais on se recroise, on pourra jouer les exploratrices si ça te botte ! »

Ina hocha la tête aux paroles de la dorée. Ainsi, elle avait fait partie d'un autre troupeau et l'avait quitté pour venir sur Horse Wild. Inaliel, quant à elle, n'avait jamais fait partie d'une harde et était venue ici pour en intégrer une. En quelque sorte, elles avaient un but opposé, bien que Sefiyade ne semblait pas fermée à l'idée de rejoindre un nouveau groupe. L'alezane lui sourit. Il était temps de se quitter à présent, redescendre de cette montagne et partir à la recherche de Naëlle.

« Alors au plaisir de te revoir, Sefi ! » lui lança t-elle, alors qu'elle reculait un peu pour prendre un sentier descendant.